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En lui-même, le Principe du sol libre sert à éviter la venue d'esclaves en France, plutôt qu'à augmenter le nombre d'affranchis dans les colonies. D'ailleurs, les défenseurs du Principe du sol libre ne sont pas pour autant pour l'égalité des droits ou l'égalité sociale. Autrement dit, ils peuvent se battre pour qu'un Homme ne soit plus esclave, mais pas pour qu'il ait les mêmes droits qu'eux.
Dans sa mise en œuvre, une amende fixée à 400 livres (en guise de remboursement) était donnée au capitaine du navire qui avait transporté des esclaves (volontairement ou sans le savoir). De plus, en 1704, le conseilleur de la Martinique, Mithon, proposa au ministre de la Marine de payer (modestement) et de nourrir les esclaves affranchis en contrepartie de leur travail, puisque ceux-ci resteraient à vie au service de leurs anciens maîtres. Cela afin d'éviter qu'ils ne passent leur nouvelle vie à ne rien faire, voler, ou aller au cabaret, etc.
Dans les années 1760, les requêtes pour affranchissement sont multipliées par six et sont toutes reçues favorablement (contrairement à l'Angleterre, où c'est plus inconstant ; la juridiction française, dès 1571 et cela jusqu'à la Révolution statue systématiquement en faveur des noirs.) Les arguments invoqués sont la maltraitance, la naissance en tant qu'Homme libre, le défaut d'enregistrement au clerc de l'Amirauté, mais le plus souvent, le Principe du sol libre. Les maîtres contestent d'ailleurs rarement les jugements rendus qui affranchissent les esclaves. Les affranchis reçoivent un papier avec le jugement leur servant de protection en cas de menaces d'arrestation ou de mauvais traitements.
Dès 1766, les actes d'affranchissement par les maîtres sont reconnus comme moyens légitimes de devenir libres devant l'Amirauté de France. Avant, seule la maxime "Nul n'est esclave en France", tenait lieu de fondement. De la même manière, la Cour refuse les actes d'affranchissement consentis sous conditions (ex: je te libère si tu me sers jusqu'à la fin de ta vie) et affranchit les esclaves sans conditions. Une décennie avant la Révolution, ces actes d'affranchissement par les maîtres (et donc les demandes de reconnaissance de statut auprès de la Cour) dépassent le nombre de demandes en justice, peut-être parce que les maîtres espéraient retenir leurs domestiques de plein gré, plutôt que par la force. En outre, les esclaves affranchis avec des papiers d'identification avaient plus de chance d'être autorisés à rester en France que les esclaves clandestins.
De juin 1771 à juillet 1775, l'Amirauté de France est dissoute et les esclaves à Paris n'ont alors plus aucun recours pour être affranchis.
Source : "There are no slaves in France", de Sue Peabody.