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Wangechi Mutu

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L’art de Wangechi Mutu composé essentiellement de collages mais aussi de sculptures, d’installations, de vidéos, de performances, intrigue, déstabilise, agresse le spectateur dans ses confortables modèles de représentation, le met face à une ambiguïté ne sachant décider entre répulsion ou attrait. L’hybridation, la transformation, thèmes chers au travail de l’artiste et notamment effectifs par les collages placent les corps féminins devenus mutants dans un renouveau total. Wangechi Mutu travaille en effet, depuis les années 90, sur une relecture des codes de représentation des corps féminins et plus particulièrement ceux des femmes noires dans la société de consommation occidentale.

Ayant étudié l’anthropologie et la sculpture en Angleterre et aux États-Unis, vivant et travaillant actuellement à Brooklyn (New York), Wangechi Mutu a été marquée par l’absence de diversité qui fait défaut dans la représentation collective occidentale dominée par la figure blanche. Dans ce contexte, en tant que femme noire, africaine, immigrée, elle a pu être considérée comme une étrangère, elle transcende alors son impression d’isolement dans l’exercice de son art s’appuyant sur les problématiques de la diaspora africaine. Elle nous incorpore en effet dans un univers hybride, organique, mutant, dérangeant qui se trouve au carrefour d’influences et de diversités complexes marqué tant par l’histoire coloniale, l’industrie de la mode, la science-fiction, la nature ou l’art africain. Ce qui caractérise sa démarche artistique c’est qu’elle se concentre sur le corps féminin car « les femmes, plus que les hommes, portent les marques, le langage et les nuances de leur culture. Tout ce qui est désiré ou méprisé est toujours présent sur le corps de la femme » témoigne-t-elle.

Objet de domination, incité à être conforme aux canons standards de beauté grâce aux prouesses de la chirurgie esthétique, utilisé pour vendre des voitures ou toutes sortes de bolides rutilants, le corps féminin est souvent « méprisé » dans les représentations occidentales selon l’artiste. Avec ses créatures mutantes qu’elle nous offre à voir, elle déconstruit les clichés, dé-standardise les corps féminins et détourne les attentes sur ce qu’on pense être l’ « identité féminine » véhiculée par les médias (cinéma, télévision, littérature également) façonnant un nouveau possible. Wangechi Mutu agglomère différents types de matériaux: paillettes, fourrures, autocollants, bouts de magazines (Vogue, National Geographic, magazines pornos…) pour fabriquer ses figures féminines : des aliens en talons aiguilles (« Riding death in my sleep »), des créatures mi-femme, mi-hyène en bikini ou « topless », des méduses organiques aux bijoux clinquants (« The bride who married a camel’s head »).

Ses déesses mutantes sont affublées d’accessoires habituellement apposés aux corps des femmes et personnifient la mythologie idiosyncratique de l’artiste tout en mettant en dérision une image féminine préfabriquée. Ses créatures ont souvent des bouts de motos incorporés en elles. Le choix de la moto n’est pas anodin puisque certaines d’entre elles ont été conçues pour ressembler aux courbes féminines pour ainsi donner l’impression à un homme de chevaucher une femme. Ses êtres hybrides qui ingurgitent ces bouts de motos, c’est une manière pour l’artiste de donner le pouvoir aux femmes sur la machine, pouvoir généralement donné aux hommes. Autre vecteur de transmission d’images et de représentations de la féminité est la religion. Eduquée à la religion catholique, l’artiste a grandi avec la figure féminine spirituelle que représente la Vierge Marie, symbole de la pureté et de l’abstention face aux plaisirs de la chair. Elle se demande, afin de remettre en question cette image, qui l’a inventé et pourquoi les femmes, inconsciemment, tendent à devenir comme elle. De l’autre côté, Eve autre figure biblique représentée dans les collages de Wangechi Mutu, exprime ce qu’on aime mépriser du corps féminin: la tentation. Désir de la prude, mépris de la tentatrice, la femme ou plutôt le corps féminin fait toujours figure d’objet et non de sujet. Les institutions médiatiques et du pouvoir (qu’il soit économique, religieux ou politique) qui façonnent la pensée dominante régulent de manière esthétique et symbolique le corps sexualisé et/ou ethnicisé. Au Kenya et en Afrique en général, témoigne l’artiste, il a été inculqué de mépriser son corps « car il était seulement fait pour le travail » disait-on. Et exécrer son corps c’est envier le corps de l’Autre, continue-t-elle. Le travail de l’artiste vise alors à la reconquête des corps libérés de toutes constructions idéologiques et sociologiques, de toutes formes d’oppression, en les détournant.

 

Sources :

http://www.macm.org/expositions/wangechi-mutu/

http://www.boumbang.com/wangechi-mutu/

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