• L'esclavage en France (7) : Les données du recensement

    L'esclavage en France (7) : Les données du recensement

    ¤ L'étude du recensement des Noirs auprès du clerc de l'Amirauté....

    - La Race - Dans le système colonial français, on utilise des termes raciaux pour distinguer les individus ayant une proportion de sang blanc (nègre, mulâtre, quarteron). [Le terme "métis" fait référence à des personnes dont les ancêtres n'étaient ni européens ni africains, mais qui avaient du sang amérindien.] Toutefois, au 18e siècle, en métropole, on utilise l'expression "gens de couleur" pour englober tout le monde.

    - La zone géographique - 50% des Noirs en France, venus s'enregistrer auprès du clerc de l'Amirauté viennent de Saint-Domingue ; tandis que 25% viennent de l'Océan Indien (Ile Maurice, La Réunion, Madagascar, le Mozambique, l'Inde). 15% viennent directement d'Afrique de l'Ouest, 10% viennent d'Amérique du Nord. Il apparaît que les "Noirs créoles", c'est-à-dire ceux venant des colonies caribéennes, avaient plus de chance d'être employés comme domestiques, du fait de leur familiarité avec la langue et les coutumes françaises.

    - L'âge - Des Noirs recensés, dont on connaît l'âge approximatif, 58% ont entre 11 et 30 ans, avec une proportion de trois hommes pour une femme. Dans le pourcentage restant des Noirs entre 30 et 50 ans, le nombre de femmes égale ou dépasse celui des hommes. Peut-être est-ce dû au fait qu'elles sont les maîtresses des colons qui les faisaient recenser.

    - Le sexe- Sur les 159 Noirs enregistrés, seuls 49 sont des femmes, mais cette proportion correspond à celle des esclaves aux Caraïbes françaises (un tiers de femmes).

    - Le statut : esclave ou affranchis : alors qu'en Amérique, l'affranchissement concerne surtout les femmes et leurs enfants, en France, au 18e siècle, ni le sexe ni la race ne détermine l'affranchissement, mais plutôt l'âge. Ainsi, l'âge de la majorité en France (30 ans pour les hommes) est l'âge moyen des esclaves affranchis. D'autre part, l'une des anciennes formes d'affranchissement, dans la tradition coloniale, est le baptême, même si celui-ci n'a aucune force légale (le Code Noir, dans son article 2, précisant que tous les esclaves dans les îles devaient être baptisés dans la religion catholique).

    - L'illétrisme : sur les 21 noirs qui se sont présentés d'eux-mêmes pour se faire recenser, 7 ont signé de leur nom, laissant supposer qu'ils savaient lire et écrire. Parmi eux, un était tailleur, deux étaient maîtres d'escrime, un était domestique. Une étude menée à Bordeaux, entre 1740 et 1787, montre que les Noirs sachant lire et écrire étaient majoritairement des hommes d'une vingtaine d'années ou des adolescents. De plus, sur les 85 "sujets" de l'études, 80 étaient mulâtres, ce qui laisse supposer que ceux-ci étaient peut-être des enfants de colons et de femmes noires venues en métropole pour recevoir une éducation. Par comparaison, le faible échantillon d'études à Paris (les registres de l'amirauté, avec les 7 Noirs ayant signé de leur nom) laisse à penser que les Noirs instruits, dans la capitale, étaient surtout des travailleurs affranchis.

    - La raison du séjour en France et le travail : pour beaucoup de Noirs affranchis, respecter la loi de 1762 en se faisant recenser était une façon pour eux de rendre officiel leur statut d'Homme libre. Les raisons du séjour en France les plus souvent invoquées, avant et après 1762, étaient l'instruction religieuse et l'apprentissage à un métier (surtout parce que c'étaient les seules autorisées avant 1762). Il est à noter qu'une instruction religieuse pouvait néanmoins être donnée dans les colonies, étant donné que de nombreux Noirs en France avaient été baptisés là-bas. Ainsi, recevoir une instruction religieuse n'était souvent pas la véritable raison, et cachait plutôt le fait que les colons amenaient avec eux leurs esclaves comme domestiques. Recevoir une éducation était une raison rarement donnée. Enfin, la majorité des esclaves recensés qui invoquaient l'apprentissage à un métier ne spécifiaient pas le métier en question, ni le nom du maître d'apprentissage, comme cela était requis. Ce qui laisse supposer, encore une fois, que la raison de leur venue était en réalité de servir de domestique à leur maître colon. ---> Dans le registre de 1762, les femmes de chambre noires sont comptabilisées au nombre de 7, de 18 ans à 46 ans (moyenne d'âge : 29 ans et demi). Les valets sont au nombre de 2, avec une moyenne d'âge de 25 ans. Les fabricants de perruques sont 13, de 8 ans à 31 ans (moyenne d'âge : 17 ans), 8 cuisiniers (7 hommes, 1 femme) sont enregistrés, de 14 à 42 ans (moyenne d'âge : 25 ans), etc. Encore une fois, les métiers évoqués ont peu d'utilité dans les colonies, contrairement à ce que préconise la loi de 1762. Ce constat conforte l'idée que la majorité des esclaves étaient en France pour servir leur maître plutôt que de passage, avant de retourner aux Antilles, avec un nouveau métier.

    - Leur adresse : d'après le registre, la plus grande concentration de noirs se trouvaient à Saint-Eustache, près des Halles ; et à Saint-Roch, près du Palais Royal, dans les quartiers les plus riches donc.

    Source : "There are no slaves in France", de Sue Peabody.